• 14 décembre 2022

Par Antoine Buisseret

Les hôpitaux sont le reflet de leur époque. Face à la hausse croissante des maladies chroniques, du vieillissement de la population et des crises sanitaires, ils doivent préconiser une approche plus humaniste et mieux s’intégrer dans le tissu urbain qui les entoure. La relation qu’ils entretiennent avec leur environnement est donc plus pertinente que jamais.

Milieux naturels et milieux hospitaliers ont toujours été intimement liés. Malheureusement, ce lien s’est estompé au fil du temps. À l’image des systèmes agricoles, qui reposaient autrefois sur une production locale et à petite échelle, les hôpitaux se sont peu à peu industrialisés pour devenir des « machines à soigner ». Ce faisant, ils ont perdu leurs composantes les plus fondamentales, comme l’accès à la lumière du soleil ou la ventilation naturelle.

Aujourd’hui, l’empreinte climatique du secteur de la santé équivaut à 5 % des émissions nettes de carbone à l’échelle planétaire. Pour vous donner un ordre d’idée, si ce secteur était un pays, il serait le cinquième plus grand émetteur de gaz à effet de serre au monde. En adoptant des conceptions soucieuses de l’environnement, les hôpitaux de demain ont la possibilité de jouer un rôle actif dans l’atténuation des effets du changement climatique et d’entretenir des relations profondément bénéfiques avec les villes qui les accueillent. Ce changement de paradigme est l’occasion idéale de réconcilier écologie et soins de santé, en rendant les infrastructures plus conviviales pour les professionnels et leurs patients.

Quand facteurs environnementaux riment avec facteurs sociaux

Les émissions colossales des hôpitaux découlent d’un ensemble de facteurs : ils regorgent d’équipements techniques, d’ordinateurs et d’appareils d’éclairage fonctionnant 24 heures sur 24, 7 jours sur 7; la quantité de déchets biomédicaux à usage unique par patient peut atteindre jusqu’à 40 kg par jour; leurs chaînes d’approvisionnement exigent des déplacements et une consommation d’énergie considérables. La qualité et la consommation des aliments entrent également en ligne de compte.

Tous ces éléments combinés entraînent une empreinte environnementale de taille, à une époque où la lutte contre les effets néfastes des changements climatiques se fait de plus en plus pressante. J’ai la ferme conviction qu’en se concentrant sur la réduction de la pollution, des déchets et des émissions ainsi que sur les impacts sur la santé et le bien-être non seulement des patients, mais aussi des populations plus larges, le design peut apporter des réponses bénéfiques.

Car, il faut bien le reconnaître, ce qui est bon pour les métropoles l’est aussi pour les hôpitaux. Les soins de santé ne peuvent plus être considérés comme un secteur isolé de notre vie quotidienne. Ils font partie de nos villes et se doivent d’être à leur image : durables et tournés vers l’avenir. Mon travail dans le domaine de la conception d’hôpitaux au fil des ans m’a amené à constater la nécessité de revoir en profondeur notre approche des environnements de soins. Nous devons les considérer comme des lieux interconnectés à de vastes écosystèmes, et tenir compte de chaque détail au moment de les concevoir – des systèmes urbains aux populations locales sur lesquelles leurs activités quotidiennes ont une incidence, en passant par des questions comme la biodiversité, l’agriculture urbaine ou encore la production et la consommation d’énergie du bâtiment. De cette façon, les hôpitaux sont amenés à bénéficier d’une plus grande sensibilité dans leur processus de création et même à devenir des précurseurs en la matière. Tout cela dans le but de créer des villes plus évolutives, mieux intégrées et plus inclusives.

Si nous voulons qu’ils soient positifs pour le monde et l’environnement dont ils font partie, nous devons construire les hôpitaux comme des espaces ouverts, continus, centrés sur l’humain, et non plus comme des structures définitives et autonomes. Même que, en aménageant des espaces de soins moins élevés et mieux intégrés au paysage, on peut multiplier les retombées favorables, comme diminuer les îlots de chaleur tout en augmentant les propriétés thérapeutiques avec un accès à la nature, à des jardins et à de grandes promenades urbaines publiques.

L’hôpital vert : un changement de perspective radical

Les soins de santé et l’environnement ne sont pas nécessairement incompatibles. Les solutions durables et l’efficacité énergétique sont désormais au premier plan de l’environnement bâti, et les hôpitaux s’inscrivent dans cette évolution. Aujourd’hui, les anciennes infrastructures du secteur de la santé deviennent de plus en plus obsolètes, à mesure que la technologie progresse. La conception de nouveaux hôpitaux plus écologiques, le recyclage des structures existantes et la réutilisation adaptative pour réduire le carbone intrinsèque sont autant d’avenues à explorer pour sauver des vies humaines tout en protégeant l’environnement.

Le plus important dans la conception d’un hôpital écologique est ce qui sera le plus bénéfique pour les patients. On pense notamment à un plus grand accès à la lumière du jour, pour améliorer le sommeil; à des dispositifs de ventilation naturelle, pour une meilleure qualité de l’air; ou encore à une proximité avec la nature, par le biais de la biophilie, de l’architecture de paysage et du design intérieur. Ce dernier élément, à lui seul, contribue considérablement au bien-être physique en abaissant la pression artérielle et le rythme cardiaque, en atténuant les tensions musculaires et en équilibrant la production d’hormones de stress, trop courante dans les environnements de soins.

Les coûts initiaux engagés par une conception et des matériaux durables peuvent en rebuter certains. Ces investissements viennent toutefois contrebalancer d’autres dépenses à long terme comme celles liées aux opérations. Il s’agit là d’un moyen de réduire les répercussions sur l’environnement et d’accroître l’efficacité, tout en créant un environnement plus sain pour les patients, les professionnels de la santé et la planète, et en offrant une marge de manœuvre pour diminuer les émissions dans des domaines à plus fort impact – les équipements, les produits utilisés, la maintenance, les pratiques d’achat…

Nous savons déjà que les bâtiments dont la conception intègre davantage le vivant contribuent à améliorer la santé mentale, la guérison et la productivité. En effet, les plantes ont des propriétés assainissantes qui favorisent la réduction des maladies respiratoires et de la pollution ambiante. En milieu de soins, il a été démontré qu’elles aident les patients hospitalisés à guérir plus rapidement, en diminuant les infections et les besoins en médicaments contre la douleur. Elles auraient aussi un pouvoir énergisant sur les professionnels grâce à leurs qualités esthétiques, acoustiques et purificatrices.

Une incidence directe sur notre santé et notre bien-être

Nous avons des études, des méthodologies et des conceptions qui le prouvent : les hôpitaux durables et respectueux de l’environnement profitent non seulement aux patients et au personnel soignant, mais aussi aux centres urbains qu’ils desservent.

Lorsque j’envisage les nouvelles générations d’hôpitaux, je vois des possibilités illimitées en architecture des soins, où la santé et le bien-être seraient réconciliés avec la planète à travers des pratiques innovantes. De l’intérieur vers l’extérieur et de l’extérieur vers l’intérieur, les hôpitaux devront aller au-delà d’eux-mêmes, et envisager des perspectives qui reconfigurent leur coexistence avec les nouvelles réalités urbaines d’aujourd’hui.

Aucun établissement hospitalier ne devrait se limiter à son propre cadre opérationnel. Les projets les plus novateurs et prometteurs pour notre avenir commun devront s’intéresser non seulement aux besoins immédiats, mais aussi à ceux à venir. À cet effet, la conception durable offre une voie toute tracée pour repenser nos environnements de soins sous toutes leurs formes.

Explorez les stratégies durables de conception de l’approche NET POSITIF de Lemay pour voir comment les environnements bâtis que nous concevons jouent un rôle central dans notre santé et notre bien-être.

 

Antoine Buisseret, Portrait, Architecte, Lemay

Antoine Buisseret est directeur de conception et directeur intelligence de marché, Santé chez Lemay. Professeur d’université, auteur et cofondateur de la plateforme de recherche #hôpitaldufutur, il a passé 18 ans à diriger la conception et le développement de grands projets hospitaliers à l’international ainsi que de grands projets mixtes, de bureaux et de recherche. Son processus de conception conjugue recherches exploratoires, durabilité, bien-être collectif et santé des utilisateurs.