Cet article fait partie d’une série de conversations sur l’avenir de l’architecture et sur la manière dont elle peut être un vecteur d’innovation dans les environnements de soins.
S’il était un pays, le secteur de la santé serait le cinquième plus gros émetteur de gaz à effet de serre de la planète, étant à lui seul responsable de près de 5 % des émissions nettes mondiales. Ces données mettent en évidence une contradiction préoccupante : un système dont la mission est de protéger et promouvoir la santé contribue directement aux changements climatiques, la plus grande menace sanitaire de notre siècle.
Des rapports comme ceux de l’Association canadienne des médecins pour l’environnement (ACME) et de Dunsky Énergie + Climat, réalisé pour le compte de l’Association pour la santé publique du Québec (ASPQ), montrent qu’il est possible de déployer des mesures efficaces et rentables pour décarboner les infrastructures de la santé et les rendre plus résilientes – un engagement pris par 50 états lors de la COP26.
Quel rôle l’architecture peut-elle jouer dans la concrétisation de cette ambition et la transformation durable du secteur?
Rétablir le lien entre nature et soins
Bien plus qu’une préoccupation écologique, l’objectif de zéro émission nette est un enjeu de santé publique. Comme le souligne le regroupement Health Care Without Harm, les répercussions directes des changements climatiques « auront des conséquences sanitaires qui vont anormalement affecter les populations les plus vulnérables et marginalisées, et elles s’aggraveront avec le temps. »
Devant l’urgence de la situation, les établissements de soins ont une responsabilité sociale d’agir comme leader dans la transition vers une économie plus verte et plus saine. Sachant que la majorité des émissions directes du secteur provient des bâtiments, de plus en plus de concepteurs, scientifiques et praticiens cherchent à repenser les modes de fonctionnement des hôpitaux pour réduire la demande énergétique, accroître l’efficacité-flexibilité et rehausser la qualité des soins.
Ces réflexions transdisciplinaires visent à faire évoluer l’hôpital vers une forme positive mieux intégrée à son milieu, qui soit bénéfique autant pour les patients et le personnel soignant que pour la communauté et l’environnement. Une démarche qui nécessite toutefois de privilégier l’adaptabilité et la résilience pour concevoir des territoires de vie où la nature reprend sa place comme élément thérapeutique à part entière.
« La décarbonation du système de santé est l’occasion de restaurer la relation entre écologie et qualité de soins qui s’est progressivement interrompue dans les dernières décennies », souligne Antoine Buisseret, directeur de conception et d’intelligence de marché – Santé et instigateur de l’initiative Design + Soins. « Ça implique de sortir du “tout climatisé” pour se tourner vers des concepts bioclimatiques et biophiliques. Réintégrer des jardins pour apporter un peu de fraîcheur et de nouveaux usages, ramener le vivant dans les établissements, favoriser la ventilation naturelle et la récupération de chaleur. On crée ainsi un cercle vertueux qui fait de l’hôpital un vecteur de santé au sens large. »
Miser sur la force du design
La corrélation évidente entre la santé, l’environnement et le carbone exige une réponse conceptuelle qui va au-delà de l’objectif de carboneutralité visée par le traditionnel « bâtiment vert ». Celle-ci doit favoriser un réel impact régénératif à tous les niveaux de conception de l’hôpital, de ses espaces intérieurs jusqu’au paysage urbain ou naturel dans lequel il s’inscrit. Une vision holistique qui est le moteur de notre approche NET POSITIFMC.
« Au Québec, la certification LEED est le système d’évaluation qui guide les projets de santé. Pour nous, il s’agit plutôt d’un point de départ, d’un levier pour repenser complètement l’aménagement intérieur et extérieur des environnements de soins dans une perspective bioclimatique intégrée », explique Loïc Angot, directeur de discipline, Stratégies durables.
Citant en exemple le Centre intégré de cancérologie du CHU de Québec, il souligne notamment l’importance d’accroître la proportion d’espaces verts appropriables, encore trop souvent négligés. Leur présence est déterminante pour la captation du CO2, la préservation de la biodiversité et la lutte contre les îlots de chaleur, mais aussi pour le rétablissement des patients ainsi que le mieux-être général des usagers et de la communauté.
Agir aujourd’hui pour le bien-être de tous
En privilégiant des énergies propres et renouvelables, en se dotant de solutions de gestion énergétique efficaces et en adoptant des principes de conception durable, le secteur peut renverser la vapeur et devenir un modèle de sobriété carbone. Cette prise d’action entraînerait un effet domino remarquable : moins d’émissions signifie moins de pollution, donc moins d’hospitalisations et de décès, moins de ressources et de dépenses et, ultimement, une pression moindre sur le système de santé dans sa globalité.
« Un établissement de soins conçu de manière ambitieuse sur le plan durable envoie un message fort. C’est un témoignage de l’importance qu’on accorde à la santé individuelle et collective, à celle de l’environnement, à l’adoption de saines habitudes et à la qualité de vie… L’hôpital doit être un démonstrateur de tout ça », affirme Antoine.
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