Le Canada s’étant engagé à atteindre la carboneutralité d’ici 2050, certaines métropoles ont déjà commencé à se mobiliser en adoptant des plans ambitieux qui leur permettront d’opérer des changements significatifs et durables dans les prochaines années. À Montréal, par exemple, la Ville vise une réduction de 55 % de ses émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030. En plus de mesures comme le reverdissement des zones urbaines et l’électrification des transports, l’une des composantes clés de cette démarche durable réside dans l’adoption d’une norme « zéro émission » pour toutes les nouvelles constructions sur le territoire à compter de 2025.
Reconnus comme l’un des principaux responsables des émissions mondiales, les nouveaux bâtiments représentent environ 40 % des émissions de CO2 liées à la consommation d’énergie. La manière dont nous les construisons peut jouer un rôle central dans notre transition vers la neutralité carbone. Pour être véritablement durables, ils doivent toutefois répondre à deux impératifs : présenter un bilan carbone nul ou négatif, tant au niveau des émissions directes qu’indirectes, pour toutes les opérations à faible consommation d’énergie et pour les matériaux utilisés (ce qu’on appelle le carbone intrinsèque). L’un ne va pas sans l’autre.
Les sources d’énergie renouvelables et les nouvelles technologies comptent pour beaucoup dans l’atteinte de ces objectifs, une fois que les principes de base d’efficacité ont été contrôlés. Toutefois, en accordant dès le départ une attention particulière à l’enveloppe, il est possible de mettre à profit des principes de conception passive qui optimiseront la performance thermique et l’efficacité énergétique du bâtiment.
Réduire l’empreinte, maximiser les retombées
En 2020, Lemay a participé à une étude menée par Martin Roy et Associés visant à identifier les meilleures stratégies qui permettrait à la Ville d’atteindre ses objectifs de décarbonation. Maisons, immeubles résidentiels, bureaux, commerces… Peu importe le type de bâtiment, les conclusions demeuraient les mêmes : la performance énergétique d’un édifice peut être considérablement améliorée par l’optimisation de l’enveloppe, à l’aide de méthodes de simulation et d’évaluation éprouvées.
« Même en optimisant le chauffage et la performance énergétique d’une construction, il est possible de les enrichir sur le plan architectural avec une enveloppe à haut rendement », explique Oscar Hernandez, directeur technique, performance du bâtiment et expert en stratégies durables chez Lemay.
Actuellement, la stratégie derrière la construction des nouveaux bâtiments vise principalement à réduire la consommation d’énergie liée au chauffage. Mais celle-ci soulève un nouveau problème pendant la saison estivale. En effet, un bâtiment à haute efficacité énergétique construit selon les pratiques actuelles consommera plus de ressources et d’énergie pour assurer le confort thermique des occupants et augmentera la demande d’énergie pour le refroidissement. Dans un souci de minimiser la consommation en hiver, nous finissons par augmenter les besoins d’électricité pendant l’été. La performance de l’enveloppe est donc cruciale pour assurer un bon équilibre.
Source : Besoins énergétiques sans tenir compte des systèmes de chauffage et de climatisation – Étude réalisée sur plusieurs bâtiments par l’équipe des Stratégies durables de Lemay
« On néglige souvent cet aspect au moment de la conception, mais c’est une solution relativement simple qui peut résoudre de nombreux problèmes de performance énergétique. Nous sommes actuellement dans une logique de consommation de ressources, qui ne cesse d’augmenter. Nous devons penser nos bâtiments différemment pour mieux répondre aux enjeux de la transition écologique », poursuit M. Hernandez.
Des projets tels que le 485 Albert – un immeuble résidentiel carboneutre en construction à Kingston, en Ontario – montrent l’impact considérable que peut avoir une enveloppe haute performance lorsqu’elle est associée à des matériaux de construction à faible impact ainsi qu’à des sources de chauffage et de climatisation à haut rendement énergétique. Mieux encore, cette approche peut aussi s’appliquer aux structures existantes. La revitalisation du siège social d’UAP, à Montréal, en est un bon exemple : l’intégration d’une nouvelle enveloppe optimisée aux stratégies durables a permis de réduire de 34 % la consommation énergétique globale du bâtiment.
« Nous avons tendance à nous concentrer sur les systèmes – thermopompes, ventilation, climatisation – et bien qu’ils soient importants, l’enveloppe, la fenestration et l’étanchéité à l’air des bâtiments jouent un rôle décisif dans nos besoins en énergie. Si nous voulons vraiment réduire l’empreinte carbone du bâti, nous devons réfléchir aux moyens de limiter les besoins, avant même de penser à réduire la consommation énergétique. »
Les progrès technologiques sont certes essentiels à la transition vers la neutralité carbone, mais plus les systèmes mécaniques sont puissants et résilients, plus les investissements pour leur installation et leur entretien sont importants – à la différence des enveloppes, qui sont beaucoup moins exigeantes et qui permettent de concevoir aujourd’hui des bâtiments qui seront tout aussi performants dans 20 ans.
Des conceptions réfléchies pour des performances optimales
« De toutes les mesures d’efficacité énergétique étudiées, la réduction de l’infiltration d’air par les composantes extérieures apparaît comme la meilleure solution pour réaliser des économies substantielles et récurrentes », résume Martin Roy et Associés dans son étude.
Analyse thermographique montrant les déperditions thermiques de l’enveloppe. Ces fuites d’air et de chaleur peuvent provoquer une réduction de la performance énergétique, mais également des sources d’inconfort. (Source : Analyse thermographique d’un logement construit selon les normes CNEB 2011)
Construire en donnant la priorité aux systèmes écoénergétiques générera bien sûr des gains, mais en ajoutant à l’équation une enveloppe à haute performance, les résultats seront nettement supérieurs et il sera beaucoup plus facile d’exploiter et d’entretenir le bâtiment.
Pour Oscar Hernandez, ce constat nous amène à considérer la performance des bâtiments sous un angle nouveau : « Allier une enveloppe thermique optimisée à des équipements mécaniques élémentaires comme une chaudière électrique offre un rendement remarquable. Lorsqu’on la compare à une pompe à chaleur ou à tout autre système géothermique, qui peut être difficile à optimiser et à entretenir, l’enveloppe à haut rendement se révèle plus efficace, avec un investissement moindre et une meilleure qualité. »
Ces approches de confort thermique axées sur l’enveloppe abordent non seulement les questions d’optimisation et d’entretien, mais aussi de pénurie. En effet, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la demande en thermopompes sera si élevée d’ici 2050 qu’il sera difficile d’y répondre en raison de la rareté des ressources.
« Je ne dis pas qu’il faut mettre la technologie de côté, précise M. Hernandez. Nous en avons besoin! Mais lorsqu’on conçoit quelque chose dans une perspective d’efficacité énergétique, on doit avant tout garder ce qui est indispensable. »
Retourner à la planche à dessin
Cette approche axée sur l’enveloppe ouvre la voie à une nouvelle conception des milieux de vie. À l’instar des stratégies de construction passive, la multitude de formes que peuvent prendre les bâtiments gagne à être adaptée pour tenir compte non seulement de leur efficacité énergétique et de leurs émissions, mais aussi de la santé et du bien-être de leurs usagers.
Au moment même où nous repensons l’aménagement des villes pour les rendre plus résilientes et moins énergivores, ce type d’améliorations architecturales permettrait d’accroître la viabilité des sources d’énergie renouvelable.
Il nous reste encore beaucoup à apprendre pour construire des bâtiments intelligents et à zéro émission nette qui répondent aux exigences mondiales. Concevoir les meilleures enveloppes possibles sur le plan de l’efficacité énergétique et de la carboneutralité impliquera son lot d’essais et d’erreurs. Mais nous connaissons déjà la clé pour y parvenir : s’assurer dès le départ de faire travailler en symbiose l’architecture et l’exploitation des bâtiments.
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