• 8 juillet 2024

Cet article fait partie d’une série de conversations sur l’avenir de l’architecture et sur la manière dont elle peut être un vecteur d’innovation dans les environnements de soins.

Dans un monde métropolitain en croissance, l’hôpital est appelé à imposer sa propre densité, gage d’efficacité, et à évoluer vers une forme positive mieux intégrée à ses milieux, qu’ils soient urbains ou naturels. Cette démarche nécessite une nouvelle approche de conception qui interroge notre façon de répondre aux besoins actuels et futurs, et qui soit bénéfique aussi bien pour les patients que pour le personnel soignant, la communauté et l’environnement.

Au cœur des conversations exploratoires de notre initiative Design+Soins, l’hôpital à cycle de vie offre une alternative pour accompagner les réalités changeantes du secteur de la santé, autant sur les plans médical et technologique qu’environnemental, social et territorial. De quelle manière? Nous en avons discuté avec Loïc Angot, associé et directeur de discipline – Stratégies durables, et Antoine Buisseret, architecte associé et directeur d’intelligence de marché – Santé.

1. Une conception résiliente, flexible et (re)connectée à son environnement

Modulable, mutable, évolutif… L’hôpital à cycle de vie rompt avec le modèle concentré du monobloc et le gigantisme de l’hôpital forteresse pour articuler plusieurs typologies et usages dans une fragmentation d’entités spécifiques et coopérantes. Il mise sur l’adaptabilité de ses installations pour répondre à l’incertitude de croissance/décroissance des organisations. Cette agilité permet d’agrandir, de réaménager ou de reprogrammer le bâtiment en fonction des besoins des patients, du personnel et même de la collectivité.

Mais cela ne se fait pas sans changer quelques habitudes. Anticiper les mutations futures, c’est inventer des potentiels qui prennent en considération la réversibilité du bâti et combinent des modèles résilients capables de se transformer au gré des temporalités, des profils démographiques et des crises sanitaires.

« Tout comme la ville, l’hôpital est un système complexe formé d’une variété de composantes qui évoluent à leur propre rythme. Malheureusement, on assiste depuis quelque temps à une hyperconcentration des installations – une façon de faire qui ne tient pas compte des différents cycles de vie des bâtiments. Il nous faut repenser l’hôpital en nous inspirant du modèle urbain, avec des entités à taille humaine qui coopèrent les unes avec les autres », explique Antoine Buisseret, directeur de conception et d’intelligence de marché – Santé.

Conciliant ouverture et densification douce, articulations et fragmentations, évolutivité et spécificité, l’hôpital à cycle de vie renoue avec une approche écosystémique des environnements de soins pour en faire des territoires de vie. Ses espaces urbains et paysagés, valorisés, s’inscrivent dans une relation apaisée avec le contexte environnant, tandis que son organisation en îlots connectés le rend plus lisible, plus humain. Vecteur d’urbanité et d’interactions sociales, il atténue les frontières qui le séparent de la ville, du paysage et de l’espace public.

2. Une approche au service de la santé et du bien-être

Bien plus qu’un « bâtiment vert », l’hôpital à cycle de vie fait appel à des stratégies bioclimatiques et biophiliques pour produire un véritable impact régénératif, au-delà des objectifs de neutralité carbone.

Il retisse des liens privilégiés avec le végétal, l’intégrant de toutes sortes de manières pour en maximiser les bienfaits thérapeutiques – la nature, on le sait, ayant des effets positifs autant sur le rétablissement que sur le moral, le stress, la douleur et la perception du temps. L’une d’entre elles consiste à relier les structures par des zones tampons comme des jardins, des sentiers ombragés ou des esplanades verdoyantes.

Ces espaces de verdure permettent des vues dégagées sur le paysage depuis les chambres et les salles d’examen, en plus de favoriser la ventilation naturelle, la création d’îlots de fraîcheur, la réduction des nuisances sonores, la filtration de l’air et la biodiversité.

Offrant un cadre propice aux rencontres et aux activités communautaires, ils contribuent également à briser l’isolement et la routine des patients en stimulant leurs sens, leur mobilité et leurs habiletés interpersonnelles.  

3. Une solution bas carbone

Pour Loïc Angot, directeur de discipline – Stratégies durables, la conception fragmentée de l’hôpital à cycle de vie est déterminante dans la décarbonation du secteur :

« En décentralisant les bâtiments, la réponse architecturale est au plus près des besoins. On est en mesure de réduire la taille des systèmes et de contrôler efficacement les paramètres en fonction de chaque étage ou local, à l’aide d’outils d’intelligence énergétique. Résultat : une diminution considérable de l’empreinte carbone et des coûts opérationnels, en plus d’un confort accru pour les usagers. »

Pouvant se déployer à l’échelle de nouveaux projets comme d’agrandissements-restructurations, le modèle de l’hôpital à cycle de vie privilégie toutefois la réhabilitation du bâti. Une sobriété aux avantages multiples : lutte contre l’obsolescence, valorisation du patrimoine architectural et du paysage, réduction des coûts de construction et du carbone intrinsèque…

Ainsi, les cliniques, les centres de diagnostics spécialisés ou tout autre édifice de soins pourraient être aménagés dans des bâtiments au cœur de la communauté, comme des bureaux inoccupés, d’anciennes écoles ou même des centres commerciaux vacants!

« Dans les pays développés comme le nôtre, la tendance veut que nous délaissions l’existant pour reconstruire à neuf. Mais on peut réaménager, moderniser ou requalifier les infrastructures de santé pour en faire des milieux de soins durables avec des stratégies de conception comme celles du NET POSITIFMC », ajoute Loïc.

Dialoguant avec son environnement sur les plans morphologiques et fonctionnels, l’hôpital à cycle de vie induit une nouvelle relation de proximité entre la ville et le milieu de soins. Régénérative et adaptative, sa conception offre une solution concrète à l’intersection des enjeux de carboneutralité, d’efficience-flexibilité des organisations, de santé et de qualité d’usage, optimisant le bâti pour en faire un environnement véritablement guérissant.

 

Vous aimeriez approfondir le sujet? Explorez les idées et stratégies durables de notre initiative Design+Soins pour transformer les milieux de soins de demain