Selon l’Organisation mondiale de la santé, une personne sur six dans le monde aura 60 ans ou plus d’ici 2030. Cette croissance démographique – l’une des plus grandes depuis plus d’un siècle – s’accompagne de défis sociaux et économiques importants, notamment en ce qui concerne les besoins de logement et d’espaces communautaires des aînés, mais aussi de risques accrus de marginalisation.
Les interactions avec les autres membres de la communauté tendent à diminuer avec l’âge, réduisant du même coup les possibilités de socialisation, l’activité physique et le sentiment de bien-être. Largement monogénérationels, les modèles actuels de conception et d’organisation de l’espace exacerbent ce problème, dans la mesure où ils nous amènent à n’interagir qu’avec les personnes qui nous entourent.
Ce cloisonnement générationnel dans les bâtiments que nous occupons s’étend à l’échelle des communautés, des quartiers et des villes, entraînant un enjeu sociétal majeur d’isolement et d’âgisme latent.
La situation n’est pas pour autant irréversible : le design offre des solutions pour la corriger.
Lieux d’échange intergénérationnel : pourquoi sont-ils essentiels?
Les espaces publics offrent à nos communautés l’occasion de se rassembler et de forger une identité commune. Ce que l’on voit moins, en revanche, ce sont des rencontres et des échanges spontanés entre les différents groupes d’âge de ces communautés, qui vivent habituellement « chacun de leur côté ».
À travers l’architecture de paysage, ils ont le pouvoir d’inciter les générations à interagir entre elles, créant un impact positif sur la santé mentale et la cohésion sociale. La conception d’environnements adaptés à tous les stades de la vie, avec un large éventail d’espaces éducatifs, d’éléments ludiques (installations interactives, aires de jeux, etc.) ou encore d’occasions de socialisation et d’observation des autres, favorise les rencontres, en plus de contribuer au sentiment de sécurité et d’appartenance.
Pour l’architecte paysagiste Marie-Eve Parent, associée et directrice de discipline, architecture de paysage chez Lemay, les stratégies de conception d’espaces publics (placemaking) peuvent prendre différentes formes :
- Des écoles et des cours de récréation connectées à la communauté ;
- Des conceptions inclusives qui tiennent compte des besoins des personnes âgées et d’autres populations vulnérables à travers des environnements accueillants et confortables ;
- Des jardins, studios d’art et ateliers communautaires où l’on peut transmettre son savoir-faire et ses connaissances ;
- Des activités telles que la randonnée et le jardinage, structurées de manière à favoriser les discussions et le partage ;
- Des sentiers de marche et des promenades pittoresques qui favorisent la découverte et les rencontres fortuites ;
- Des initiatives de collectes d’information et de rétroaction auprès de différents groupes d’âge afin de s’assurer que l’espace les reflète.
De la monofonctionnalité à la multifonctionnalité et l’intergénérationnalité
Ces stratégies sont autant de solutions prometteuses pour reconnecter des environnements privés et publics jusque-là séparés par groupes d’âge.
Une façon de briser l’isolement est de réaménager les espaces entourant les lieux fréquentés par les différentes générations avec des programmes largement expérientiels et inclusifs. Les nouvelles écoles secondaires du Québec, par exemple, intègrent des espaces extérieurs pensés pour améliorer l’apprentissage, la qualité de vie, la santé et le bien-être des élèves, tout en permettant aux membres de la communauté de s’y retrouver.
De la même façon, les jardins, studios d’art et ateliers communautaires encouragent la collaboration et le rapprochement entre les générations par le partage de connaissances et d’expériences vécues. Les jeunes apprennent des aînés, qui se sentent valorisés par cette occasion de transmettre leur savoir.
La nature au cœur des conceptions
Marie-Eve Parent souligne que les écoles, les immeubles à usage mixte, les hôpitaux et autres établissements de soins de santé sont traditionnellement dépourvus de cette dimension inclusive que l’on retrouve dans les projets évoqués plus haut. Mais ce n’est pas une fatalité!
« Nous devons repenser les espaces comme des catalyseurs d’échanges intergénérationnels », estime-t-elle. « Leur conception peut faciliter les interactions en intégrant des points de rencontre. C’est la meilleure façon de renforcer la cohésion sociale et d’encourager des discussions vraiment constructives. »
Cela dit, quelles que soient les méthodes employées, la présence de la nature est primordiale. On ne saurait négliger sa capacité à enrichir nos vies et à nous rassembler. Marie-Eve affirme que l’attrait universel de la nature favorise le bien-être physique et mental en créant un terrain neutre où les gens peuvent se rencontrer.
Changer nos paradigmes autour de l’espace collectif
Ces changements culturels profonds en faveur de communautés inclusives et solidaires nécessitent la collaboration de toutes les personnes impliquées dans la conception des espaces publics : élus, architectes, urbanistes, designers urbains, architectes paysagistes et promoteurs immobiliers.
Par la force du design intergénérationnel, nous serons en mesure de réduire l’âgisme et l’isolement social tout en augmentant notre bien-être général et en offrant des milieux de vie de qualité.