• 15 octobre 2025

Accorder du temps pour un processus intentionné

À une époque où l’urgence semble être le mot d’ordre, il peut sembler difficile de repenser des processus standardisés. Mais lorsqu’on conçoit un projet pour une communauté qui cherche depuis des décennies des financements et un lieu où s’installer, le risque de ne pas prendre le temps de réfléchir est trop grand. Pour qu’un projet soit vraiment couronné de succès, il doit être ancré dans les aspirations, les histoires et les connaissances de ceux et celles qui vont l’habiter. 

La conception en mode collaboratif permet d’intégrer différentes formes de connaissances, d’expériences et d’expertises dans un processus cocréatif afin d’ouvrir la voie à des solutions pratiques, pertinentes et inspirantes. 

Lorsque l’équipe de projet adopte une approche collaborative, le dialogue et l’échange deviennent des moteurs puissants. Ensemble, communauté et designers peuvent créer une signature distinctive, sensible et profondément ancrée dans la réalité vécue. 

Lorsque nous entamons des discussions dès le départ, nous réduisons considérablement le risque d’erreurs qui pourraient compromettre les résultats futurs. 

La cocréation : une synergie indispensable 

Un processus de cocréation ne peut réussir qu’avec l’implication de toutes les parties concernées, incluant des membres de l’équipe de conception qui assument leurs responsabilités en posant les bonnes questions et en écoutant. Dès les premières étapes, il est essentiel d’établir une relation ouverte et réciproque entre les membres de la communauté et les architectes, designers urbains, architectes paysagistes et autres experts. Cette dynamique d’écoute et de respect mutuel permet d’orchestrer un processus créatif qui reflète la culture, les besoins et les priorités collectives. 

Leçons du Centre des jeunes de l’USAY 

L’exemple du Centre des jeunes de l’USAY, inauguré à Forest Lawn (Calgary), illustre la richesse de cette démarche. Lemay et l’Urban Society for Aboriginal Youth ont travaillé main dans la main pour donner naissance à une architecture authentique, conçue à partir d’une compréhension profonde des besoins des jeunes autochtones. 

Implanté sur le territoire traditionnel des nations Siksika, Kainai, Piikani, Iyarhe Nakoda et Tsuut’ina, ainsi que de la Nation métisse de l’Alberta – région 3, le Centre a été pensé comme un lieu sûr et accueillant. Son identité reflète les expériences vécues, les rêves et les définitions de la sécurité et du « chez-soi » exprimées par les jeunes eux-mêmes. 

Quand le design devient dialogue 

Le processus de cocréation ne s’est pas limité au Centre USAY. Lors du Design Week Calgary en août 2025, l’atelier collaboratif Pathways for Indigenous Youth Housing Design a rassemblé de jeunes autochtones, des aînés, des designers, des partenaires communautaires ainsi que des responsables politiques et financiers. Ensemble, toutes ces personnes ont réfléchi à des solutions de logement pour les jeunes autochtones à Calgary. 

Mais surtout, avant cet atelier, les jeunes de l’USAY ont été consultés à la fois par le biais de sondages et de tables rondes. Leurs commentaires ont fondamentalement façonné les fondements de la conception et les questions posées lors de l’atelier du mois d’août. Le fait que de nombreuses voix aient contribué à la compréhension du projet a permis à l’USAY et à Lemay d’élaborer un cadre général pour repenser les besoins en matière de logement des jeunes autochtones. 

Cette approche met en lumière la force d’un dialogue ouvert, où l’expertise professionnelle se combine à la connaissance intime du vécu. Elle a aussi démontré que la conception collaborative peut générer non seulement des idées, mais aussi des alliances et des perspectives durables. 

Un parcours d’écoute et de réinvention 

Trop souvent, les projets d’aménagement se déroulent avec une consultation minimale, laissant de côté la voix des principaux intéressés. À l’inverse, la conception collaborative invite à écouter réellement, à confronter nos certitudes et à explorer les angles morts. 

C’est en sortant des sentiers battus que l’on peut révéler des obstacles invisibles et inventer de nouvelles manières de faire. Dans le domaine de l’environnement bâti, cette approche est un levier essentiel pour dépasser les cloisonnements et créer des espaces profondément adaptés à l’identité d’une communauté. 

Vers des espaces construits avec et par les communautés 

Le partage d’idées, de récits et de perspectives transforme la manière dont nous concevons les espaces collectifs. Au lieu d’imposer des solutions, la cocréation ouvre la voie à des projets qui résonnent, qui rassemblent et qui renforcent le sentiment d’appartenance. 

Le Centre des jeunes de l’USAY – et les dialogues qu’il a inspirés – montrent que l’avenir de l’architecture ne réside pas seulement dans la technique, mais dans la capacité à écouter, à apprendre et à bâtir avec la communauté. 

Ce n’est qu’en créant ensemble que nous pourrons façonner des lieux où chaque personne se sent véritablement chez soi.