• 17 mai 2023

Les avantages que présente la conservation du patrimoine architectural sont connus depuis des siècles. De leur conception aux matériaux qui les composent en passant par les histoires qu’elles racontent, les structures patrimoniales témoignent du passé et nous renseignent sur le mode de vie des personnes qui les ont autrefois habitées. Lorsqu’elles sont bien entretenues, elles deviennent de véritables trésors que l’on transmet de génération en génération.

Ces biens qui résistent au temps sont aussi rares que précieux, car ils évoquent avec authenticité le savoir-faire de leur époque. Cela explique en partie pourquoi les spécialistes de la conservation ont toujours été convaincus de la valeur des bâtiments patrimoniaux, et ce, même si les études qui quantifient leur valeur monétaire sont rares.

La conservation de l’architecture est un enjeu important parce qu’elle a le pouvoir de revitaliser les communautés, de stimuler le développement des entreprises et de renforcer le sentiment d’appartenance. Malheureusement, les coûts élevés qu’elle implique donnent souvent lieu à des débats sur son bien-fondé. Dans les faits, les arguments en faveur de la conservation sont encore plus convaincants lorsqu’on considère les dépenses par rapport aux retombées positives qu’elle a sur nos vies et sur la planète.

La vraie valeur des bâtiments patrimoniaux

Mais alors, quelle valeur la conservation du patrimoine apporte-t-elle sur les plans économique, social et environnemental? Cette question a conduit la ville de Calgary, riche en propriétés patrimoniales de plus d’un siècle, à mener une étude avec une équipe composée de spécialistes de Lemay et d’autres consultants.

La valeur estimée ou la valeur de vente récente a été consignée, évaluée et comparée dans quatre zones où se concentrent les bâtiments patrimoniaux et dans quatre zones non patrimoniales de Calgary.

Heritage Value Analysis & Conservation Tool Development Focused on Commercial Streets, Visual, LemayIntitulée Heritage Value Analysis & Conservation Tool Development Focused on Commercial Streets, l’étude a donné des résultats surprenants. Non seulement ces zones patrimoniales avaient une valeur combinée supérieure de plus de 30 % en raison de leur caractère et de leur qualité historique, mais elles avaient également un halo économique positif sur la valeur des édifices environnants, anciens comme nouveaux.

« Nous avions certaines craintes face aux résultats, mais les données sont impressionnantes! L’écart de valeur entre les zones est considérable », explique Mark Chambers, architecte et spécialiste de la conservation chez Lemay. « Ce phénomène n’est pas unique à Calgary ; il peut être observé dans n’importe quelle ville ayant une forte concentration de bâtiments patrimoniaux. »

L’étude a également révélé que les zones patrimoniales attiraient davantage les entreprises des milieux de la création et de l’apprentissage, et qu’elles généraient 1,5 fois plus d’emplois par acre que les zones non patrimoniales. Au-delà de la valeur économique, 3 répondants sur 5 ont déclaré qu’ils étaient prêts à payer jusqu’à 60 dollars par personne pour entretenir ces secteurs patrimoniaux, ce qui pourrait représenter jusqu’à 80 millions de dollars. Quant à la valeur environnementale, elle n’est pas en reste : conserver ces zones intactes et conformes aux normes permet de réduire de plusieurs millions de dollars la facture en énergie et en carbone intrinsèque, mais aussi de compenser le coût de l’enfouissement des déchets de démolition.

Ensemble, ces trois avantages montrent que la valeur de l’architecture patrimoniale n’est pas seulement financière, mais aussi sociale et environnementale, et qu’elle permet de réaliser des bénéfices tout en redonnant à la population et à la planète.

Souvent, les bâtiments doivent être officiellement désignés comme patrimoniaux pour être jugés dignes d’être conservés, réhabilités et réaffectés, mais les conclusions de cette étude montrent que la préservation et revalorisation du parc immobilier ancien peut être rentable.

« Jusqu’à présent, il y avait peu de motivations pour les propriétaires ou les parties prenantes de prendre en compte le coût réel des bâtiments. Mais ces résultats laissent entrevoir un changement positif dans la compréhension de la valeur intrinsèque du patrimoine bâti », explique Grace Coulter Sherlock, architecte, associée et directrice régionale, Ouest du Canada chez Lemay. « En l’absence de mesures incitatives et de données probantes comme celles-ci, démolir et reconstruire à neuf sont dans bien des cas vus comme la voie à suivre. »

Une nouvelle vie pour des bâtiments qui redonnent à la communauté

Alors que les métropoles s’interrogent sur la manière de relancer l’activité économique de leurs centres-villes et d’attirer des visiteurs du monde entier, les quartiers historiques offrent une solution attrayante : tirer parti des édifices anciens et de la richesse de leur passé plutôt que de construire quelque chose d’entièrement nouveau.

Car la conservation de l’architecture patrimoniale ne se limite pas aux structures centenaires. Les villes canadiennes regorgent de bâtiments modernes datant des années 1950 à 1970 auxquels on peut donner une nouvelle vie, que ce soit en les modernisant, en les réhabilitant ou en leur redonnant leur lustre d’antan.

La conservation du patrimoine nous offre aussi la possibilité de corriger certaines erreurs en rendant les édifices plus inclusifs qu’ils ne l’étaient auparavant. Ces interventions peuvent prendre plusieurs formes : une meilleure accessibilité pour les personnes ayant un handicap physique ou mental ; un réaménagement des bâtiments au passé colonial, pour qu’ils puissent accueillir des communautés autrefois laissées pour compte ; une reconnexion avec la nature à travers des éléments conceptuels tels que des fenêtres ouvrantes, un accès à la lumière du soleil et à la ventilation naturelle, ainsi que des stratégies de chauffage et de refroidissement passifs.

Un design qui évolue au fil du temps

Il est vrai qu’il y a quelque chose d’inspirant à voir un bâtiment – pensons aux banques ou aux hôtels de ville – remplir la même fonction qu’il a remplie pendant plus d’un siècle. Mais conserver le patrimoine bâti ne veut pas dire préserver à tout prix la vocation initiale des lieux. L’important est de respecter sa signification architecturale, culturelle et contextuelle première et de veiller à ce que son réaménagement s’inscrive dans cette continuité.

Cela dit, il y a des règles à suivre. Toute intervention doit pouvoir être retirée sans que le tissu patrimonial soit endommagé, et doit être compatible avec le bâtiment d’origine, en être distincte et lui être subordonnée. Pourvu que ces lignes directrices soient respectées, les propriétés patrimoniales peuvent évoluer et être réimaginées d’une multitude de façons.

425 Viger West, Building, HeritageEn les revalorisant, on donne vie à des espaces avec de nouvelles destinées, sans pour autant perdre leur caractère historique. À Montréal, le 425 Viger Ouest, qui accueille aujourd’hui les bureaux régionaux de Google, en est un bon exemple. C’est aussi le cas du planétarium Centennial de Calgary : la restauration de cette icône architecturale a été soigneusement pensée pour préserver l’intégrité de la structure, tout en utilisant ses qualités spatiales pour en faire une galerie d’art moderne étonnante. Même si l’importance culturelle et la vocation première de certaines constructions changent au fil du temps, comme nous l’avons vu avec les églises, leur mémoire, leur symbolique et leur vitalité peuvent être préservées et exploitées à travers des identités contemporaines.

« Les bâtiments ne sont pas des objets statiques. Ils ne l’ont jamais été et ne le seront jamais », affirme Mark Chambers. Ils sont en constante évolution, depuis leur première conception jusqu’à celle qui les réhabilitent. »

Même si les quartiers historiques voient leur paysage changer au fil du temps et que leurs locataires sont très différents de leurs prédécesseurs, ils constituent une attraction importante pour les villes dans lesquelles ils se trouvent. Quelle que soit la ville qu’ils visitent, les touristes convergent immanquablement vers ces lieux, car ils regroupent autant des commerces et des restaurants, que des écoles, des théâtres et des musées. Ce sont des lieux de cohésion culturelle, d’accessibilité piétonnière et de vie sociale à échelle humaine.

« Que nous visitions les villes ou que nous y vivions, nous savons intuitivement que ces quartiers sont les plus attractifs. Mais les propriétaires et les municipalités ont parfois du mal à établir la valeur monétaire du patrimoine bâti, au-delà du sentiment qu’ils en ont. C’est là que l’étude du patrimoine entre en jeu. Elle permet d’équilibrer la conversation et de faire en sorte que toutes les parties prenantes ont la même compréhension de la valeur du patrimoine – une compréhension qui repose sur des données, plutôt que sur l’instinct », ajoute Grace Coulter Sherlock.

 

Le design nous offre des moyens de redonner aux bâtiments ce qu’ils nous ont donné et de les faire vivre bien au-delà de leur usage initial. Apprenez-en plus sur la conservation de l’architecture patrimoniale et les raisons pour lesquelles elle est si importante.