• 27 février 2023

Si le design canadien veut tirer parti du territoire et de l’héritage de son pays, il a toutefois un devoir à remplir : repenser la façon dont cette abondance est utilisée et la canaliser vers un changement drastique, puissant et positif. Pour y arriver, nous devons, en tant que designers et architectes, faire passer nos pratiques de la consommation à la protection, du gaspillage à la conservation et du privilège à l’obligation.

Agir collectivement et prendre des décisions éclairées sur l’avenir du Canada demande des actions fermes. Nous devons nous libérer de toute forme d’individualisme et nous tourner vers les valeurs autochtones ancestrales, en les défendant et en les incarnant au quotidien. Nous devons être uni·es par nos obligations envers la terre, l’eau et les arbres. Uni·es par notre passé, notre présent et notre avenir communs – peuples autochtones, colons, immigrants et réfugiés.

Le Canada est notre maison. Nous devons en prendre soin ensemble. Le design et l’architecture canadiens ont la capacité – et la responsabilité – de lui offrir un avenir meilleur, plus inclusif.

Les racines du design canadien

L’architecture et le design canadiens ont une esthétique et une personnalité bien définies. Ils se distinguent par leur complexité et leurs contradictions, alimentées par une diversité de voix et de nuances.

« Concevoir canadien », c’est faire coexister ces voix plurielles et nuancées au sein d’une identité inclusive et d’un sentiment d’appartenance fort dont les fondements résident dans trois principes clés :

  • Territoire : Le territoire que nous partageons est au cœur de notre identité, et les actions que nous y menons nous définissent. Notre existence dépend de la terre sur laquelle nous vivons et préserver ses précieux écosystèmes est plus important que jamais. Pour protéger et conserver les systèmes complexes et interconnectés de la nature, le design canadien doit maintenir avec elle une relation équitable. L’architecture centrée sur le territoire, comme celle du Canada, ne peut prospérer que si elle est en harmonie avec ses topographies, ses histoires et ses communautés diverses.
  • Multiculturalisme : L’architecture étant un outil qui permet de traduire et parler les langues de cultures distinctes, il est tout naturel de considérer le design canadien comme polyglotte. Ici, le design se veut un échange dynamique entre les générations passées et futures, qu’il s’agisse des Premières nations, des Inuits et des Métis ou des immigrants. Dans ce contexte multiculturel, le design canadien ne peut être défini par une seule nation ou ethnicité. Il doit plutôt être une lingua franca équitable, inclusive et durable qui accueille le changement et s’y adapte.
  • Inclusion : Le collectif est plus important que l’individu. C’est pourquoi le design canadien est à l’écoute et cherche des compromis pour tisser, réparer et raviver les relations entre ses communautés. Il est issu d’un lieu de connectivité, de joie et de jeu. Le design canadien est à son apogée lorsqu’il s’interroge sur les disparités, invitant activement de nouveaux partenaires et publics à prendre part à la conversation.

Des ambitions assorties d’obligations

Même si nous envisageons l’avenir avec optimisme, certaines communautés continuent d’être ignorées, mal desservies et non représentées face aux défis persistants posés par les changements climatiques. Il est essentiel que les artisans du design canadien chargés de trouver des solutions à ces problèmes soient en phase avec les personnes et communautés directement touchées par leurs réalisations.

L’architecture, qu’elle soit destinée aux personnes ou à la planète, implique de prendre des décisions au nom des autres. Le design canadien exige donc une intégrité morale irréprochable et des conceptions remarquables. Les urgences sociales et écologiques d’aujourd’hui nous poussent à adopter de nouvelles façons de penser et d’agir axées sur des valeurs de responsabilité, d’humilité, de pluralité et de solidarité.

C’est pourquoi le design canadien doit être circulaire et aborder les défis de son domaine dans un souci d’équité, d’inclusion et de durabilité. Lorsqu’il est unifié par ses obligations et renforcé par l’interdépendance, le design canadien est capable de réparer les fondations de nos environnements bâtis passés, à l’échelle locale et mondiale.

Les concepteur·trices et architectes doivent réimaginer leurs villes avec des solutions fondées sur la nature, qui façonnent, protègent et améliorent le cadre urbain. Ce n’est qu’ainsi qu’elles parviendront à s’adapter aux changements climatiques et à en atténuer les dommages. Le design canadien peut nous propulser vers un avenir meilleur, régénérateur et résilient, à condition de faire évoluer la pratique de l’architecture vers des stratégies circulaires de réutilisation, de réaffectation et de recyclage, et de ne pas empiéter sur des zones inutilisées et intactes.

Perspectives d’avenir

Le design canadien possède tous les outils pour faire émerger des solutions fondées sur la nature et concevoir des espaces qui assurent le bien-être des personnes, des communautés urbaines et de leurs environnements. Après tout, la façon dont nous utilisons notre territoire définit notre capacité à nous adapter et à en prendre soin, malgré les défis sociaux, économiques et environnementaux que nous devons relever ensemble.

En intégrant des processus de conception circulaire et des objectifs d’accessibilité universelle, le Canada a la possibilité de devenir une plaque tournante de l’innovation sur la scène mondiale. Ses architectes, designers et chercheur·ses doivent s’exprimer, prendre les commandes, se lancer des défis et mettre de côté l’humilité si caractéristique de la personnalité canadienne. Ils doivent affirmer le leadership canadien en matière de design, le célébrer et le revendiquer ici comme ailleurs.

Forts d’une immense abondance culturelle et naturelle, les projets d’architecture et de design canadiens offrent des pistes de solution et de réflexion pour des sociétés meilleures, inspirant partout dans le monde la création d’espaces propices à l’épanouissement.

 

Le texte ci-dessus s’appuie sur le travail de FLDWRK, le collectif de recherche appliquée et de design de Lemay, et sur son Manifeste du design canadien.