L’école connaît une importante évolution et avec elle, la manière dont nous la concevons. En abordant la conception dans l’intérêt premier de l’élève, l’espace éducatif devient un outil qui favorise l’apprentissage et la collaboration, mais aussi une source d’inspiration et d’appartenance.
Au cours des dernières décennies, de nombreuses études ont montré que le design des écoles a non seulement un impact sur la motivation des élèves, mais qu’il joue aussi un rôle déterminant dans leur capacité à participer et à assimiler les connaissances. Les aménagements axés sur le choix, la flexibilité et l’interaction ainsi que sur l’optimisation de variables comme la lumière, le son, la température, les couleurs, les textures et la qualité de l’air voient une amélioration des résultats scolaires pouvant aller jusqu’à 25 %.
En délaissant les modèles scolaires traditionnels du 20e siècle axés sur la standardisation, le cloisonnement et le rendement – modèles que les discours éducatifs ont qualifiés « d’industriels », « d’usines à diplômes » ou de « bunkers fermés à la communauté », les nouvelles approches font la preuve que l’environnement peut avoir un impact positif sur les élèves. Non seulement les conceptions uniformisées du passé se sont révélées moins efficaces que prévu, mais nous prenons conscience aujourd’hui des avantages non négligeables des espaces qui facilitent les conversations et la liberté de mouvement tout en permettant à chacun d’apprendre à son gré.
Sachant cela, quelle forme la conception des écoles devrait-elle prendre pour soutenir au mieux la réussite et le travail collaboratif des élèves?
Le design et ses effets sur l’apprentissage
En tant qu’architectes et designers, nous avons constaté par nous-mêmes l’influence que le bâti exerce sur notre capacité à nouer des liens et à nous sentir bien. La force de ces relations est proportionnelle à ce que les bâtiments nous donnent en retour, à savoir des espaces de vie et de possibilités où l’on peut s’épanouir.
Notre environnement influence grandement notre sentiment de confort, à travers une combinaison de facteurs comme la ventilation, la température, la qualité de l’air, l’acoustique, la luminosité, la biophilie et la connectivité entre l’intérieur et l’extérieur. Lorsqu’ils sont conçus de manière optimale, nos milieux de vie influent positivement sur une foule d’aspects, y compris notre rythme circadien, notre humeur, notre productivité, notre niveau de fatigue et notre bien-être général. Ces éléments sont particulièrement importants dans les écoles : mieux se porte la santé physique et mentale des élèves, meilleure est leur capacité d’apprentissage.
C’est d’ailleurs ce qu’a confirmé une étude exhaustive menée par l’Université de Salford auprès de 153 classes dans 27 écoles primaires du Royaume-Uni. Selon celle-ci, les aspects physiques de l’espace expliqueraient 16 % de la variation des progrès des élèves, un pourcentage bien plus élevé qu’anticipé. Les chercheurs ont déterminé trois facteurs qui entrent en ligne de compte. La naturalité, déterminée par des éléments sensoriels comme la lumière, la qualité de l’air ou les liens avec la nature, améliore les fonctions cognitives. L’individualité renforce le sentiment d’appartenance et de satisfaction par la personnalisation, la flexibilité et la connexion. La stimulation agit quant à elle sur l’humeur, la concentration et le niveau d’énergie grâce à des couleurs judicieusement choisies et une architecture épurée qui minimise les distractions.
Au Québec, cette corrélation entre environnement scolaire et progrès académiques a motivé la conception d’une nouvelle génération d’écoles secondaires, comme celle de Chambly. Inspirées du paysage environnant, les aires communes et les salles de classe ont été aménagées autour d’un cœur végétalisé. Elles laissent entrer la lumière naturelle dans une variété de locaux, de niveaux et d’atmosphères qui encouragent la sociabilisation et la curiosité tout en s’adaptant aux méthodes d’enseignement des professeurs.
Un modèle d’interconnexion
L’éducation ne se résume pas à ce que nous apprenons, mais aussi aux contextes dans lesquels nous apprenons. La collaboration est essentielle pour les élèves, car elle leur permet de développer une pensée critique, de renforcer leur capacité à communiquer et à travailler avec les autres, et d’établir des relations qui favorisent leur engagement dans la matière.
Cela dit, s’adapter aux différents styles de travail et d’apprentissage peut être un exercice d’équilibre difficile. Lorsqu’il s’agit de concevoir des environnements éducatifs, que ce soit des bibliothèques, des lieux de travail ou encore des établissements primaires, secondaires et universitaires, il importe de tenir compte du besoin de concentration et d’interaction de chacun. L’espace peut ainsi répondre à la nature changeante de la façon dont les humains travaillent et apprennent ensemble.
« Notre expérience en conception d’espaces pédagogiques nous a montré que le design, en particulier celui des écoles, doit trouver un juste milieu entre un concept complètement à aire ouverte et une approche utilitaire industrialisée », explique Eric Pelletier, associé principal Conception chez Lemay.
« Nous devons nous éloigner des anciennes façons de concevoir les écoles, synonymes de cloisonnement et de confinement, et les repenser pour en faire des lieux ouverts, propices à la collaboration », ajoute-t-il, en rappelant que les modèles du passé peuvent être réaménagés pour répondre aux besoins actuels.
Un design équilibré consiste non pas à délimiter les espaces d’une école selon leurs fonctions, mais plutôt à les mélanger et à les interconnecter – une stratégie gagnante sur tous les tableaux : elle élimine les problématiques liées aux aménagements complètement ouverts tout en favorisant l’engagement et l’apprentissage collaboratif des élèves.
Cette approche s’applique aussi à des établissements scolaires plus grands, comme l’école secondaire de Laval, où le rassemblement et la vie communautaire des élèves s’incarnent dans de grands espaces communs intérieurs et extérieurs au cœur du bâtiment. Les dimensions ont également permis de ponctuer les étages avec des locaux collaboratifs multifonctionnels.
« Ce nouveau modèle d’écoles secondaires offre aux élèves des endroits où sociabiliser et échanger, à l’intérieur comme à l’extérieur des salles de classe. En ce sens, il s’apparente à nos conceptions de lieux de travail, où la collaboration est encouragée à différentes échelles pour s’adapter aux contextes, aux objectifs ainsi qu’aux besoins individuels et collectifs. »
Créer un sentiment d’appartenance
L’appartenance est un autre facteur clé de la conception des écoles, intimement liée à l’épanouissement et au sentiment de faire partie d’une communauté. Elle a des répercussions considérables sur le cheminement scolaire, le comportement, la motivation, l’absentéisme et la diplomation.
« Nous avons pensé chacune de ces écoles comme un lieu d’appartenance », explique Eric Pelletier, à propos des quatre nouvelles écoles secondaires québécoises conçues par Lemay, Leclerc, Prisme, en consortium. « C’était le fil conducteur de notre concept : plus le sentiment d’appartenance des élèves est grand, plus ils s’approprient les lieux. Nos conceptions visaient à modifier la dynamique des écoles – et, du même coup, la façon d’apprendre – au moyen de l’espace. »
Un autre élément central qui a guidé notre travail a été de concevoir pour l’élève, en le plaçant au centre des préoccupations. Si chaque école emprunte un chemin différent pour y parvenir, elles partagent toutefois le même objectif : celui de créer un espace interconnecté et perméable, encourageant la vie sociale et la synergie.
Par exemple, les classes et les activités peuvent converger vers des atriums éclairés naturellement qui donnent sur la verdure pour créer de véritables places publiques. Les écoles primaires et secondaires peuvent aussi s’inspirer de leurs homologues universitaires en adoptant des aménagements de type campus, avec des axes de circulation centraux facilitant les rencontres.
Cette démarche d’interconnexion s’étend bien au-delà des murs de l’école. Elle rétablit des liens avec ce que les élèves considèrent comme leur maison : leur ville. D’un point de vue visuel et pratique, ces nouvelles conceptions rompent avec l’idée selon laquelle les écoles doivent être séparées des entreprises locales et des rues, en les réintégrant dans la communauté.
« Les écoles secondaires construites il y a plusieurs décennies suivaient un schéma traditionnel : les bâtiments étaient séparés ou isolés des quartiers environnants, qui à leur tour s’isolaient des cours de récréation », explique l’architecte paysagiste Marie-Ève Parent. « Notre approche est aujourd’hui axée sur la connectivité de l’espace, sur l’interrelation entre les cours d’école, les activités communautaires qu’elles peuvent accueillir et le paysage urbain dont elles font partie. »
Cette rencontre entre milieu scolaire et milieu urbain permet de créer des places publiques enrichies de jardins verdoyants, afin que les étudiants, les enseignants et la population puissent s’y rassembler et tisser des liens les uns avec les autres.
Cultiver l’éducation, la collaboration et la communauté
En favorisant autant l’apprentissage que le tissu social, les écoles ne sont plus que de simples lieux d’apprentissage : elles deviennent des espaces de vie à la vocation renouvelée, fondée sur le bien-être de tous. Leur conception peut également avoir un effet de halo sur l’entraide, la réussite et l’ouverture, ainsi que sur la création d’un sentiment de fierté et d’appartenance chez les élèves, les enseignants et les visiteurs.
« En tant que société, nous devons tout mettre en œuvre pour offrir aux élèves une architecture éducative de qualité, conclut Eric Pelletier. Plus nous nous soucions d’eux, plus ils seront en mesure de réaliser leur plein potentiel et de faire des choix sains qui les rendront heureux. C’est là tout le pouvoir – et le rôle fondamental – de l’architecture. »
L’architecture, l’architecture de paysage et le design d’intérieur centrés sur les personnes et les communautés renforcent la valeur de l’éducation et des liens sociaux. Voyez comment à travers notre conception des écoles de demain.