• 1 décembre 2022

Plus que jamais, les êtres humains sont au cœur de la conception des environnements bâtis. Même si nous accordons une attention grandissante à nos émissions de carbone et à notre empreinte environnementale, les écosystèmes qui entourent ces environnements continuent d’être relégués au deuxième plan. Alors que partout dans le monde, les villes sont confrontées à une crise de la biodiversité, nous contenter de protéger ce qui reste de nature n’est plus suffisant.

L’état des écosystèmes est un indicateur de la vitalité de notre économie, de notre sécurité alimentaire, de notre santé collective et de notre qualité de vie – et à l’heure actuelle, ils se dégradent à un rythme alarmant. Pour remédier à cette situation, les concepteurs urbains et urbanistes doivent privilégier des stratégies de conservation, de préservation et de reverdissement, tout comme un retour radical à une esthétique paysagère plus sauvage et brute.

Reconnexion à la nature : la conservation et la préservation avant tout

Si nous voulons des villes vertes saines, il faut d’abord favoriser la biodiversité.

Depuis des décennies, les centres urbains ne cessent de s’étendre, empiétant sur les terres agricoles comme sur les espaces naturels, et encourageant un mode de vie dépendant des énergies fossiles. Il est vrai que les stratégies de reverdissement ont permis d’atténuer cette tendance. Mais préserver et conserver l’environnement devrait être le premier réflexe des concepteurs et planificateurs urbains. Face à l’augmentation de la population dans nos villes, les corridors écologiques et les liens entre les espaces de verdure s’imposent comme une solution durable. Il nous faut en aménager de nouveaux, maintenir ceux qui existent et revaloriser ceux qui ont été négligés.

Trop souvent, les espaces verts créés dans les nouveaux parcs ou autour des infrastructures urbaines ne sont pas conçus pour servir d’habitats aux animaux et insectes indigènes. Les oiseaux, quant à eux, sont attirés par les lumières des villes, mais celles-ci sont mal équipées pour les accueillir. Sans oublier les surfaces vitrées réfléchissantes des gratte-ciel, qui causent un nombre important de décès par collision. La perte de biodiversité étant due à la manière dont les écosystèmes sont utilisés et fragmentés, les corridors écologiques sont essentiels pour relier les villes au monde naturel. Historiquement, la réintroduction de la nature en milieu urbain s’est avérée avantageuse – que ce soit par ses bienfaits sur la santé et le bien-être, sa capacité à freiner les inondations, ou encore son incidence positive sur la circulation et la diminution des taux de criminalité.

De ces constats ont émergé de nouvelles tendances comme celle des jardins naturalistes, qui propose des moyens uniques de favoriser la biodiversité dans les villes, notamment en revoyant la conception des jardins et parcs urbains. L’objectif est de créer des espaces immersifs et totalement organiques. Les usagers peuvent ainsi se les approprier naturellement, sans avoir l’impression d’être dans un lieu aménagé de façon intentionnelle. Il est aussi possible d’estomper les frontières entre les métropoles dans lesquelles nous vivons et les écosystèmes plus vastes qui les entourent, et de faire en sorte que toutes les terres – pas seulement les zones boisées en périphérie – servent de refuge à la faune et à la flore. Les murs et les toits végétalisés jouent un rôle central dans cette infrastructure verte dont nos villes ont besoin. Ils offrent des avantages environnementaux à long terme, bien au-delà de la résilience climatique, de la pollinisation et de la survie de la biodiversité.

Quels que soient les éléments naturels que nous réintégrons dans nos villes, nous devons le faire avec une approche plus approfondie. Cette approche doit favoriser la création de paysages urbains sauvages, capables de protéger et de faire vivre le monde dans lequel nous vivons – et celui que nous partageons avec les autres espèces. Cela passe notamment par l’aménagement des espaces publics, qui doit faire place à des forêts urbaines résilientes et autosuffisantes plutôt qu’à de simples allées bordées d’arbres. De la même façon, l’application de murs et de toits verts devrait être envisagée d’un point de vue réparateur plutôt qu’utilitaire, en faisant primer la biodiversité sur nos propres besoins.

Intégrer la nature à l’intérieur, à l’extérieur et autour des environnements bâtis

La réintroduction de la biodiversité dans nos villes en pleine expansion est intimement liée à la matérialité naturelle. C’est par elle que tout commence. Pour produire des résultats vraiment régénérateurs, les concepteurs sont appelés à adopter une démarche transdisciplinaire à chaque étape de la conception. En s’inspirant du fonctionnement et des caractéristiques du monde naturel – robuste, diversifié, visuellement harmonieux – pour concevoir les environnements bâtis, ils contribuent à leur tour à préserver la nature.

Améliorer la planification des villes et les redensifier intelligemment implique de considérer toutes les composantes de l’aménagement urbain. Nous ne pouvons pas construire plus gros ni étendre davantage? Alors, construisons vers le haut! Des tours d’habitation rappelant la forme d’une ruche, comme Maestria ou Humaniti, commencent à s’ériger dans les métropoles du monde entier. Surnommés « communautés verticales », ces milieux de vie combinent une mixité d’usages privés et publics afin de limiter l’étalement urbain et ses effets nuisibles. Le développement durable est également au cœur de leur conception, avec des solutions allant des stratégies intelligentes de réutilisation et de rétention de l’eau à l’intégration de serres, de jardins sur toits et de murs végétalisés.

Petit à petit, les approches derrière ces habitations nouvelles ou revalorisées s’étendent à la planification urbaine, qui s’en inspire pour mieux densifier les villes et les rendre plus vertes. À l’échelle des quartiers, on associe la sensibilité aux enjeux environnementaux à une architecture socialement inclusive et accessible. La nature et les humains coexistent ainsi dans des environnements qui redonnent vie aux communautés et aux paysages urbains, protègent les bandes riveraines et assurent l’existence de relations biodiversifiées entre les zones habitées et vertes.

Poursuivre sur notre lancée

Oui, le portrait actuel de la biodiversité paraît sombre. Mais des solutions existent! Les urbanistes peuvent axer leur pratique sur la préservation et la connectivité avec la nature. Les architectes ont la capacité de concevoir des espaces qui intègrent intelligemment l’environnement au cadre bâti et favorisent des écosystèmes entiers. Les designers urbains, tout comme les architectes de paysage, peuvent privilégier des approches globales, en commençant par des choix de végétation qui sont non seulement durables, mais également fonctionnels et esthétiques. Les matériaux responsables offrent eux aussi de belles possibilités, que ce soient par leur origine, leur composition ou leur utilisation. Même chose pour les matériaux recyclés et récupérés ou provenant de sources durables, comme le bois issu de forêts certifiées par des organisations telles que le Forest Stewardship Council ou la Sustainable Forestry Initiative. Chacune de ces décisions et approches conceptuelles ouvre la voie à un rééquilibrage positif des relations entre nos environnements bâtis et la biosphère qui les entoure.

 

Curieux·se de savoir comment le rapport à l’environnement façonne la réflexion des concepteurs et penseurs? Regardez la table ronde NET POSITIF sur la réintégration de la biodiversité dans les villes pour le découvrir.