• 12 avril 2023

Entre les étés chauds et les hivers glacials, les villes nordiques cherchent de plus en plus un équilibre entre la résilience climatique et l’habitabilité. Avec l’importante croissance démographique qu’elles connaissent, le confort intérieur passe souvent en premier. Mais qu’en est-il du confort extérieur des espaces publics et privés?

Dans des pays comme le Canada, le climat présente des défis particuliers en raison des grandes variations d’humidité, de température, de luminosité et de vent. D’un autre côté, ces conditions alimentent la conception et l’enrichissement d’espaces extérieurs durables, régénérateurs et biodiversifiés qui profitent autant à l’environnement qu’à notre santé et à notre bien-être. 

Il est vrai qu’avec les commodités modernes de nos intérieurs comme le chauffage et la climatisation, on oublie parfois à quel point il est important d’aller dehors. Un bon design peut changer cette tendance en nous incitant à profiter du grand air, quelle que ce soit la saison.

Le confort en plein air

Dans une conception extérieure réfléchie, le confort peut se manifester de différentes façons : un sentiment de sécurité et d’appartenance, des éléments acoustiques, olfactifs et visuels appréciables, la fonctionnalité des lieux, une protection naturelle contre les conditions climatiques… Peu importe la forme qu’il prend, il joue un rôle déterminant dans la qualité des lieux de vie extérieurs – un facteur qui participe directement au dynamisme urbain. D’ailleurs, on peut facilement mesurer le degré de confort extérieur d’une ville en fonction de l’animation de ses rues et de ses espaces verts à tout moment de l’année.

Mais alors, quels éléments pouvons-nous incorporer à nos conceptions pour encourager l’activité quatre saisons dans les rues, les parcs et les espaces communs des villes, mais aussi autour des bâtiments privés et publics? Comment équilibrer à la fois dans les extrêmes de l’été et de l’hiver ce que l’architecte Lisa Heschong appelle la volupté thermique – c’est-à-dire, les sensations physiques et les significations culturelles associées aux changements de température?

Espace 67, new facilities, winter, parc Jean-Drapeau, Lemay, Landscape architecture, designGuidé par la nature, le design nordique canadien est grandement influencé par le climat quatre saisons dans lequel il s’exprime. Il a aussi la capacité d’ajouter un caractère distinctif aux endroits que nous considérons comme notre « chez-nous »; ces espaces où ce qui nous apporte du confort à une saison donnée est complémentaire à ce dont nous avons besoin la saison suivante.

« Au Canada, nous avons tendance à nous inspirer des villes scandinaves en matière d’aménagement quatre saisons, mais notre pays est lui aussi un modèle à suivre », souligne l’architecte paysagiste Patricia Lussier. « Les climats variés du Canada orientent la façon dont nous concevons les espaces, qui doivent s’adapter et évoluer au gré des saisons. »

Cette polyvalence est la clé du succès des conceptions quatre saisons. Un abri contre le vent en hiver peut fournir de l’ombre en été; une végétation indigène luxuriante et des forêts urbaines peuvent limiter les risques d’inondation, la pollution de l’air, les îlots de chaleur et le refroidissement extrême en hiver. Un accès à l’eau est source de détente et de fraîcheur durant les périodes de canicule, et fait le bonheur des patineurs lorsque la température descend sous zéro. De même, opter pour des matériaux isolants comme le bois plutôt que des matériaux conducteurs comme le métal peut assurer un confort thermique et biophilique tout au long de l’année.

Microclimats : concevoir des espaces adaptés à nos besoins

Tenir compte du contexte est crucial lorsqu’il est question d’aménager un lieu de vie extérieur. Si les nouveaux espaces publics – à l’image de la place des Montréalaises, balayée par les vents – peuvent être personnalisés dès le départ avec des éléments comme des plantes vivaces, pour assurer une transition entre les saisons, il est également possible d’adapter des installations déjà existantes. L’Espace 67 du parc Jean-Drapeau, par exemple, a redonné de la polyvalence à son site en combinant nature et culture dans des zones aux ambiances variées permettant la tenue de festivités estivales, printanières, automnales et hivernales.

Pointe-aux-prairies park's landscape architecture in the fall

Les espaces quatre saisons se portent mieux lorsqu’ils sont entourés par la nature ou qu’ils y sont connectés par une matérialité, des formes, des textures et des couleurs complémentaires qui créent des ensembles cohérents, en phase avec les changements saisonniers. C’est ce que l’on retrouve dans les parcs urbains comme le parc du Mont-Royal, à Montréal, et les parcs-nature du Bois-de-l’île-Bizard, du Bois-de-Liesse et de la Pointe-aux-Prairies, où les paysages s’adaptent aux saisons et sont autant des lieux de prédilection pour le ski de fond et la raquette que pour le pique-nique et l’observation de la faune et de la flore.

Les espaces extérieurs doivent également être conçus pour favoriser le jeu et la socialisation, afin que les citoyens, quels que soient leur âge et leurs capacités, se les approprient aussi bien en été qu’en hiver. En donnant la priorité aux piétons et aux cyclistes, en concevant des aménagements qui tiennent compte des travaux d’entretien et d’exploitation futurs, et en plaçant la responsabilité environnementale au cœur de la planification, nous pouvons obtenir des résultats sociaux, économiques et environnementaux remarquables pour nos communautés.

Faire vivre les espaces quatre saisons

En collaborant avec les organisations locales, les architectes et les designers ont la possibilité d’intégrer les questions thermiques et la création de microclimats aux espaces extérieurs, en en faisant des écosystèmes qui vivent au rythme des saisons. À Montréal, nous en avons fait l’expérience avec des projets comme les stations hivernales, l’art public de Luminothérapie et les activités de Montréal en Lumière, organisées dans des endroits qui accueillent autant d’initiatives rassembleuses le reste de l’année.

Pour prendre vie, ces moments de loisirs et de détente ont d’abord et avant tout besoin de s’ancrer dans des lieux offrant un abri, un accès à l’eau et à une source de chaleur, et une végétation persistante – comme des conifères, des herbes hautes et des arbustes colorés – capable à la fois de faire obstacle au vent, mais aussi d’embellir le site par son apparence et l’expérience sensorielle qu’elle procure.

« Si vous plantez des arbres pour avoir une couverture maximale, vous créerez un abri naturel qui agit comme brise-vent et amortit le bruit ambiant, ce qui donne une ambiance très douce et feutrée aux espaces extérieurs », explique Patricia Lussier.

Plutôt que de considérer nos villes comme une série de bâtiments à occuper, nous devons les reconfigurer pour prendre en compte les espaces intermédiaires, obtenus grâce à la création de microclimats urbains. Affectant directement les milieux de vie, ces espaces peuvent être aménagés et adaptés afin d’améliorer la résilience des villes quatre saisons, notamment face aux changements climatiques. Sans eux, les fluctuations de température risquent de limiter les activités en plein air, ce qui nuit à la qualité de la vie citadine.

Adopter une approche climatologique dans la planification et la conception urbaines nous amène à voir les défis que les températures extrêmes posent aux bâtiments, aux rues, aux quartiers, aux villes et aux régions comme des occasions d’améliorer la durabilité du cadre bâti, mais aussi la santé et le bien-être de chacun.

Accepter le changement pour mieux dompter les éléments

Nous l’avons tous déjà fait : regarder dehors, nous dire qu’il fait trop chaud ou trop froid, et choisir de rester à l’intérieur. En concevant dans nos villes des environnements extérieurs qui maximisent le confort, nous incitons les gens à sortir et faisons de ces espaces des lieux de découverte accessibles qui peuvent être appréciés d’une nouvelle manière. 

Selon Oscar Hernandez, directeur technique, Performance du bâtiment – stratégies durables chez Lemay, aménager des espaces extérieurs quatre saisons à travers le filtre du confort permet de faire cohabiter le vivant et la culture dans un cadre bâti qui canalise les bienfaits des éléments naturels :

« Passer du temps à l’extérieur dans des lieux de verdure et de socialisation a une incidence directe sur notre santé et notre bien-être. On sait aujourd’hui que les activités en plein air améliorent la santé mentale et l’humeur générale en réduisant le stress et en nous incitant à être actifs, renforçant du même coup notre système immunitaire, notre santé cardiovasculaire et notre métabolisme. »

Même si ces environnements sont de plus en plus présents dans nos villes, il y a encore du chemin à faire. Nous devons poursuivre nos efforts pour optimiser les espaces publics urbains afin de garantir une programmation et un confort tout au long de l’année, en adaptant nos activités printanières ou estivales à l’hiver, et inversement. Les espaces extérieurs offrant un confort quatre saisons ne présentent pas que des avantages individuels : ils contribuent à la vie citoyenne par des retombées économiques à long terme, une meilleure acceptabilité sociale et une plus grande fierté collective.

 

Il existe de nombreuses façons de repenser les espaces extérieurs et intérieurs de nos villes pour qu’ils soient bienfaisants et régénérateurs. Apprenez-en plus sur les différentes actions durables qui peuvent être réalisées avec notre approche NET POSITIFMC.